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16 août 2014 6 16 /08 /août /2014 11:07

Voilà une question qui me taraude depuis un bon moment et je le dis tout de suite, je n'ai pas la réponse. Pour le moment il s'agit juste d'une constatation : il y a beaucoup de célibataires dans le Nord et notamment dans les branches que j'étudie.

 

Quand on fait un arbre généalogique, on recherche des filiations et pour cela, il nous faut des mariages, ou, a minima des naissances d'enfants illégitimes. Or, je constate que beaucoup d'hommes et de femmes demeuraient célibataires dans la bourgeoisie du Nord. Si le pourquoi m'est encore inconnu, rien n'empêche d'émettre des hypothèses après avoir dressé le constat.

 

Prenons la famille Flory. Jean-Baptiste Flory (1726-1807), bourgeois de Valenciennes, bailli de la terre et du comté de Thiant a eu quatorze enfants avec son épouse. Hormis ceux dont on ne connait pas le destin, on compte cinq filles mariées, c'est tout. Les trois garçons qui ont, à notre connaissance, vécu, sont restés célibataires. L'un car curé, le deuxième greffier à Lille et le troisième directeur des moulins à Valenciennes. Des situations aisées qui auraient pu conduire à des mariages réussis dans les deux derniers cas. Une fille, Thérèse, ne s'est jamais mariée, une autre surnommée La Béguine, est restée pieuse femme.

Plus proche de nous, Jean Claude Garnier (1770-1829) a eu quatre enfants qui ont tous survécu. Un seul s'est marié, le frère agent comptable dans l'administration militaire est resté célibataire, ainsi que les deux filles.

 

Quelles hypothèses peut-on donner ?

Tout d'abord, concernant les filles, il faut savoir que les familles étaient très pieuses. Beaucoup sont qualifiées de "badariennes", c'est-à-dire de femmes faisant partie d'une congrégation laïque héritée de Françoise Badar, vivant pieusement, chastement, et enseignant à de jeunes filles pauvres l'art de la dentelle (la fameuse dentelle de Valenciennes). Mais les hommes ? Hormis les curés, ce qui se passe d'explications, les hommes sont dans le négoce, dans la justice, dans l'administration. Des postes enviables qui peuvent hisser socialement une famille. Pour autant, ils font le choix (?) de rester célibataire. On pourrait croire qu'ils ne trouvaient pas d'épouse de leur rang, toujours plus difficilement trouvable pour un notable que pour les autres, mais cela n'empêchait pas les notables de villages d'aller chercher dans un autre lieu une épouse ; là, on se situe dans de grandes villes, Lille et Valenciennes, voire Landrecies pour les militaires. Existe-il une tradition poussant les hommes au célibat ? S'agit-il d'un choix dicté par le fait de concentrer ensuite les richesses entre les rares descendants ? Ou un choix de vie ? Deux cousins proches, c'est-à-dire décédés au XXe siècle (vous savez que pour nous, généalogistes, le XXe siècle, c'est hier tant notre conception du temps, par nos recherches, est différente de celle des môôôrtels) sont restés sans descendance. Ils ont cependant fait le choix de se marier : l'un était rentier, l'autre rentier-peintre. Après avoir obtenu la nationalité belge (oui, c'étaient des précurseurs) ils sont allés finir leur jour à Nice, Floride française. Une cousine germaine de ma grand-mère que je ne citerai pas car toujours parmi nous, a fait le choix de n'avoir pas d'enfants avec son époux ; elle est fille unique et deux de ses tantes sont restées, l'une célibataire, l'autre sans enfant.

 

Comme on le remarque, le taux de célibat est important et n'est pas explicable en l'état. À côté, toujours dans le Nord, on a le cas totalement inverse. Une tante du XIXe siècle, Justine Picavez, a épousé un lillois, filateur. Les familles de filateurs lillois sont regroupées dans l'annuaire des familles du Nord, sorte de Bottin Mondain. Ces familles ont au contraire une conception de la famille qui implique un très grand nombre d'enfants. Ainsi, la descendance de Justine, sur huit générations jusqu'à nos jours, compte environ 4000 descendants. Avec un taux de survivance très élevé, on compte entre cinq et dix enfants par couple, tous mariés, ayant à leur tour autant d'enfants. J'ai eu l'occasion de connaître un membre de ces familles qui m'a confirmé le côté traditionnel de ce nombre de descendants et les nombreux mariages entre cousins ; l'annuaire sert donc visiblement à repérer avec qui on cousine, comment on cousine, et si le futur époux n'est pas cousin trop proche…

 

Bref, cela n'explique toujours pas ce célibat si important dans ces familles. Quelqu'un a-t-il déjà rencontré ce genre de cas ? Une explication ? Une hypothèse ?

 

Cette forme d'épine généalogique est un peu insolite, mais sait-on jamais, un lecteur a peut-être une réponse !

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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 15:59

Le généalogiste est humain, du moins jusqu'à preuve du contraire. Il a donc tendance à repousser à demain ce qu'il pourrait faire aujourd'hui. Je ne déroge pas à la règle et passe ma vie à repousser, encore et toujours. Je n'avais jamais rien publié concernant ma généalogie, à part des articles sur ce blog. Puis un jour, j'ai pris les choses en main et ai publié mon premier "ouvrage" généalogique, planche sur une biographie familiale de taille moyenne et sur un nouveau livre. Comme je me suis lancé, comme j'ai eu un premier essai, il m'est plus facile de continuer.

 

Comment commencer à écrire? Quoi écrire? Dans quel sens? Où commencer? Une généalogie, ce sont des centaines, des milliers de personnes qui se croisent dans cet arbre noueux.

 

Voilà comment j'ai commencé, et comment je continue.

 

Tout d'abord, il faut refréner nos désirs. Nous avons tous envie d'écrire une somme sur nos ancêtres, y inclure tous les documents, les descendances, ascendances, anecdotes, etc. Vouloir débuter par cela est presque insensé, car une branche nous bloque à un moment, donc nous faisons des recherches dessus, y passons des jours et des semaines, puis on passe à une autre et on laisse tomber notre ouvrage pour refaire de la recherche généalogique.

 

Nous sommes de plus en plus nombreux à avoir des blogs  et presque tous, nous y publions des articles sur nos aïeux. Pourquoi? Parce qu'un article est plus facile à écrire qu'un livre. Et si, pour commencer, vous preniez vos articles, les réunissiez et les adaptiez pour une publication papier? Vous pourriez déjà avoir de nombreuses pages et il ne vous resterait plus qu'à écrire d'autres biographies courtes, sous formes d'articles. Ainsi cette compilation permettrait, avec des ajouts, d'avoir un premier ouvrage. Il vous donnerait une certaine discipline d'écriture, ravirait vos cousins et vous lancerait dans le grand bain.

Un coup de mise en page, l'ajout d'illustrations (portraits, photos, cartes postales, actes, etc.) et le tour est joué. Vous pouvez en faire imprimer quelques copies pour votre famille et vous-même grâce à divers sites en ligne ou grâce à un imprimeur.

 

Pour mon premier ouvrage, j'ai réuni les articles par thèmes, "la révolution", "la grande guerre", et autres. C'est un peu un fourre-tout, qui plus est amateur (problèmes de mise en page notamment), mais c'est un début. Une fois que vous avez commencé, que vous avez déjà publié, vous ne pourrez plus vous arrêter.

La seconde étape est le livre sur vos ancêtres. Gardez en mémoire qu'il y aura certainement d'autres éditions, "revues et augmentées", dans un futur plus ou moins lointain. Acceptez de ne pas tout savoir, de ne pas avoir tous les documents.

 

Quelles étapes pour ce livre?

Tout d'abord, fixez-vous un but. Et un but atteignable! Dans mon cas, j'évoque, dès le titre, qu'il s'agira d'une introduction; donc pas d'une encyclopédie.

 

Assurez-vous d'avoir de la matière


Une collection de dates, c'est un début, mais ce n'est pas suffisant. Inutile d'avoir tous les actes passés devant notaires et juges, d'avoir épluché toutes les archives hospitalières, communales, nationales, militaires et autres fonds d'érudit. Simplement, au moins, d'avoir les professions (avec une chronologie), les éventuels domiciles successifs et d'utiliser toutes les informations que les actes ont pu vous donner. Pour cela, j'ai rédigé un article sur le sujet qui vous donnera des pistes si vous ne les avez pas encore explorées.

 

Problème subsidiaire: comment avoir de la matière?


Comment arriver à avoir assez d'informations sur une branche? Car même si vous avez l'acte de naissance d'un aïeul, son acte de mariage, de décès, et tous les actes de naissance, mariage et décès des parents, car même si vous les avez, dis-je, peut-être n'avez-vous pas assez de matière. Pourtant, vous avez envie d'écrire dessus. Pour cela, il faut faire en amont, un travail généalogique sur les collatéraux, frères et soeurs, cousins et cousines.

 

Admettons que toute une branche vienne d'un seul village et qu'en trouvant les actes de vos ancêtres, vous remarquiez des mentions de personnes ayant le même patronyme. Comment savoir si c'est un cousin? Vous pourriez vous dire: je descends de Jean Dupont et de Marie Durand mariés en 1815 donc, je cherche leur descendance. Erreur. Car vous allez peut-être trouver des actes d'enfants de Pierre Dupont et d'Anne Martin que vous laisserez choir alors que ce couple est en fait composé des parents de Jean Dupont. Vous aurez snobé les frères et soeurs d'un de vos ancêtres. Dans ce cas, ce que je vous conseille, c'est de remonter dans le temps au maximum, d'actes de mariage en actes de mariage (tant qu'ils sont filiatifs) jusqu'au sommet des registres. Une fois toutes les branches identifiées, vous prenez le registre dans l'autre sens et dès que vous trouvez un enfant d'une des branches, vous le notez, de même pour les mariages et décès. Votre ambition n'est pas forcément de faire une généalogie descendante complète. Dans ce cas, limitez-vous aux frères et soeurs ET aux cousins germains.

Je vous entends râler: pourquoi les cousins germains? Parce que les cousins germains ont les même grand-parents que votre aïeul et que vos aïeux seront certainement, s'ils sont en vie, parrain et marraine du nouveau-né, que votre aïeul sera peut-être témoin au mariage de son cousin (combien d'entre nous ont une armée de témoins qui sont cousins germains d'un des époux?). Vous aurez sa profession, par exemple; "mais on l'a déjà" entends-je. Oui, vous savez qu'il est cultivateur en 1815 puis marchand d'allumettes en 1820. Mais si cet acte date de 1817? Et si dessus, il est noté qu'il est cultivateur? Alors vous pouvez réduire la fenêtre chronologique du changement de profession. De même, peut-être que vous avez comme domicile pour votre aïeul, un sublime, que dis-je un mirobolant, "résidant à Valenciennes", précision à toute épreuve, et que sur cet acte il sera précisé "résidant à Valenciennes rue Askièvre, 17". Si on va aux cousins germains, pourquoi s'arrêter? Déjà, parce que vous n'avez pas forcément envie d'aller plus loin, et en plus parce que, le plus souvent, les témoins, parrain et marraine, se font dans la famille très proche (grands-parents, oncles & tantes, frères & soeurs); au-delà du cousin germain, vous avez moins de chance de trouver des références à vos ancêtres.

 

C'est ainsi, en redescendant que vous aurez largement assez de matière. Se posent divers problèmes dans d'autres cas: des ancêtres dans une grande ville, ou changeant de ville comme on change de chaussettes. Ne vous pourrissez pas la vie, c'est le meilleur moyen d'abandonner l'écriture. Donnez vos informations sur cette branche, le plus agréablement possible, vous aurez toujours la possibilité d'y revenir dans quelques mois ou années lors d'un prochain livre.

 

Comment organiser son livre?


Bonne question. Tout dépend de ce que vous voulez. Dans mon cas, je fais deux grandes parties sur le livre que j'écris sur les ancêtres de ma grand-mère. La famille de son père, la famille de sa mère. Puis, chaque partie a des chapitres comprenant les recherches sur un patronyme ou une branche.

On en arrive là, mais ensuite, comment écrire?

Le moyen le plus facile me semble être l'écriture partant du plus vieil ancêtre jusqu'au plus récent comme dans une généalogie écrite. L'étude des collatéraux peut aussi se faire suivant ces généalogies écrites.

 

Exemple de généalogie écrite:

I. Henri Dupont né vers 1658 à Machin-sur-les-Eaux, y épouse le 26/04/1680 Augustine Duprez née à Les-Eaux-sur-Machin vers 1663 dont:

                a. Caroline qui épouse Henri Jean dont:

                                i. Guillaume, émouleur

                                ii. Paul, cultivateur

                b. Georges, qui suit en II.

 

On commencerait donc, lors de l'étude descendante par les collatéraux, ceux que l'on connaît le moins. Cela permet de stopper l'écriture, quand on a raconté la vie de Paul et de passer à Georges. L'inverse pourrait perdre le lecteur puisque l'on arrive en 2013, à moi, blogueur de son état et tout d'un coup, on dirait: "en 2013, Thomas, auteur de cet ouvrage, blogueur maladroit mais fort charmant. Ah, au fait, j'ai oublié de dire qu'en 1682 sous Louis XIV..."

Il ne faut pas perdre le lecteur. Il s'est déjà endormi plusieurs fois en lisant Les confessions de Rousseau, ne lui donnez pas le mal de mer en naviguant sur les eaux  impitoyables du temps. Une fois l'étude des Dupont faite jusqu'au dernier ancêtre porteur du patronyme, vous pouvez rappeler le lien avec les membres de la famille et passer à la branche suivante, dans un autre chapitre. Un arbre généalogique permettra aussi à vos lecteurs de visualiser les liens.

 

Comment illustrer mon livre?


Malgré mes recherches nombreuses, je n'ai pas pu trouver une seule photographie d'un de mes ancêtres du XVIe et du XVIIe siècle. Ce grand malheur, dont je tairai la cause, nous affecte tous. Comment illustrer la vie de nos ancêtres dans ce cas?

 

Les cartes postales anciennes. Une carte postale ancienne, même si elle reste récente (années 1900-1930) a toujours ce côté antique, le noir et blanc, les tenues, les rues sans embouteillages, etc. On est bien loin du XVIe siècle, me direz-vous. Oui, mais une vue de la campagne avant l'installation du Club Med, cela donne toujours une idée d'à quoi cela pouvait ressembler. Votre aïeul travaillait dans un endroit précis? Mettez-en une carte postale. Par exemple, un de mes aïeux fabriquait des chaussures pour la marine militaire à l'arsenal de Lorient. Hop, j'ai trouvé une carte postale dudit arsenal et cela illustre. Vous pouvez aussi placer un extrait d'une carte de Cassini avec les lieux-dits, surtout si ces derniers portent le nom de votre aïeux.

 

Les signatures. Si vos ancêtres savaient signer, prendre les signatures sur les actes vous permet d'illustrer la fiche sur votre arbre, mais aussi d'illustrer votre livre. Votre ancêtre signait-il aisément? Vous pourrez non seulement illustrer mais aussi parler sur une ligne ou deux de cette signature et d'autres. D'ailleurs, petit conseil lors de vos recherches. Quand un ancêtre ne sait pas signer, ne mettez pas "ne sait pas signer", précisez "ne sait pas signer en 1817" suivi de la source. Pourquoi? Car il n'est pas si rare qu'en cours de vie, votre ancêtre se mette tout à coup à signer. Il aura appris à le faire. Si vous aviez noté "ne sait pas signer en 1817, 1819, 1825, signe à partir de 1827" cela donnera une anecdote de plus que vous pourrez agrémenter de la signature et de son évolution (est-il malhabile au début? s'améliore-t-il?) ainsi que d'hypothèses sur cet apprentissage. Il arrive aussi qu'un de vos ancêtres déclare ne pas savoir signer en 1816 mais avait signé en 1814, ce qui vous pousserea à vous interroger. N'oubliez pas: au moins vous avez de documents, au plus chaque détail compte.

 

Les actes. Tant que vous ne vendez pas votre livre ou que vous ne le diffusez pas en masse, vous pouvez toujours (normalement) illustrer votre prose d'actes variés. Le contrat de mariage de votre trisaïeul, un acte de baptême intéressant, un acte de décès intriguant, outre l'illustration qui rend plus agréable la lecture, mettre un acte, c'est forcer le lecteur à accepter la véracité de vos propos. Il n'est pas toujours facile de s'imaginer l'ancêtre, ou même de croire ce que vous dites; l'acte les met devant le fait. Je vous conseille de l'accompagner d'une transcription (ou d'une traduction si l'acte est dans une autre langue) car il n'est pas garanti que le lecteur déchiffrera de lui-même ce vieil acte écrit par un prêtre ou un révolutionnaire. Comment transcrire? Doit-on respecter absolument l'orthographe et les accents de l'acte? A vous de voir, mais j'ai choisi mon camp: je transcris en gardant l'orthographe mais pas les accents ni les majuscules. Autrement dit je corrige accents et majuscules dès que je peux car le lecteur a parfois besoin qu'on lui tienne la main. De plus, il est bon de signaler que beaucoup de transcriptions anciennes corrigent l'orthographe intégralement, l'important étant le contenu plus que de dire: "oui mais le prêtre il écrivait "presentz" ou "presents"?" et d'en faire une note de bas de page de trois pages en latin façon Vrin. La transcription n'a pas de règles immuables données aux mortels par les dieux de l'Olympe. La Fédération Française de Généalogie dans un article de geneawiki cité par Sophie Boudarel, nous dit d'absolument respecter l'ortographe. Mais attention, il est probable que cette demande de la FFG soit faite pour avoir des règles communes à ceux qui dépouillent pour eux. Mais, outre que peu sont ceux ayant eu le courage de lire les quelques cinquante pages de consignes, certaines zones sont floues. Quid de l'acte en latin? En allemand gothique? En italien? Là, une traduction s'impose et vous devez la faire si vous voulez publier l'acte. Quant à la transcription avec respect absolu, n'oubliez pas que ceux qui liront abandonneront dès la première ligne s'ils ne comprennent rien à cause d'abréviations, d'absence d'accents et d'orthographes fantaisistes. Cependant, faciliter la lecture c'est bien, mais garder l'orthographe hors accents c'est mieux. Cela donne un côté authentique, un côté ancien. "Il avoit esté", cela plonge le lecteur dans le passé. "Ill. sr Jn Bpte not de son stile dud. lieu pere de lad. future espouze maieure", cela plonge le lecteur dans la catatonie. Mettre les accents, cela permet au lecteur d'identifier la prononciation immédiatement, donc le mot. Dégagez aussi les abréviations, mettez soit entre crochets: "Illu[tre] s[ieu]r J[ean]n B[a]p[tis]te", etc..., soit virez tout: "Illustre sieur Jean Baptiste notaire de son stile dudit lieu père de ladite future espouze majeure".

 

Ce qu'il faudrait éviter


Oui, car certaines choses sont un peu ardues pour celui qui ne pratique pas la généalogie. "Le sosa 236 de mon 28 est aussi le sosa 475 de mon 32 ce qui crée un implexe mais Geneweb y met une consanguinité de 0 car l'implexe est trop lointain, bien entendu." Oui... bien entendu; je dirais même plus, c'est évidemment évident. D'autres problèmes peuvent survenir "Malheureusement, aux ADN hors BMS et NMD, nous ne trouvons pas de renseignements car le tabellion sur la période est manquant alors nous nous sommes tournés vers les série E, F, G, H sans oublier qu'aux FF15 et 16 nous trouvons une occurrence qui renvoie vers le 3E584/265 f°465 aux ADI où nous avons trouvé le contrat de mariage que nous ne retranscrivons pas ici puisque nous venons de vous dire où le trouver." A moins d'être d'une dynastie d'archivistes issue de Nostradamus...

 

Nous devons donc essayer d'être clairs dans nos propos et de donner envie aux cousins de le lire. Cela veut dire, aussi, qu'il faut éviter les: "Jeanne Dupont o 4/11/1758 à Truc (84), y x le 14/7/1780 Honoré Durand" et autres informations arides. Préférez une écriture claire, alternez dates précises et mentions des âges, évoquez les heures où ça se passe sans dire "à 4h15 il meurt", dites plutôt "de grand matin", "avant l'aurore il expira", bref, soyez inventifs, ne soyez pas trop secs.

 

Evitez les blasons. "Oh, chouette, j'ai trouvé un blason des Martin, je vais le mettre"... Non, ne le mettez pas, je vous en prie. Les blasons de famille ne sont pas attribués à tout un patronyme à travers le temps, l'espace, l'infini et au-delà. A moins que vous n'ayez un aïeul qui ait eu un blason à lui, ne lui attribuez pas autre chose, vous risquez de fausser votre récit. Si vous voulez mettre un blason mais que personne n'en a un, vous pouvez en créer un pour vous-même et votre famille tout en évitant de le recopier sur un qui a un propriétaire. Surtout si l'un de vos cousins l'utilisent du coup à son nom et que le propriétaire légitime l'assigne devant les tribunaux... Votre réputation en prendrait un sérieux coup.

 

Vouloir tout dire. Vous ne pouvez pas tout dire. Par exemple, vous avez un ancêtre qui a été cité 25 fois, dans 25 actes différents, avec marqué comme profession "cordonnier". Ne mettez pas dans votre récit. "Notre aïeul, Jean Désiré Durand a été cité cordonnier en 1825, 1826, 1827, le 4/12/1829, le 5/12/1829, en 1830, en 1835, le 4/5/1836 à 14h45, le 4/5/1836 à 14h46, le 4/5/" etc. Autant préférer un sobre mais claire "il exerça la profession de cordonnier de son plus jeune âge à son décès en 1858".

 

Comme cet article est déjà bien trop long et que la plupart de mes lecteurs sont morts de vieillesse en le lisant, je vais récapituler ce qui a été dit. N'hésitez pas, en commentaire ou sur vos blogs, à réagir, à vous opposer avec virulence à mes propos, à compléter ce que j'ai oublié, à préciser, à vous interroger vous aussi. Bref, vous pouvez réagir ou aller vous faire un café.

 

 

En somme, pour écrire son histoire de famille:

 

 

1. Commencez petit. Réunissez vos articles et biographies, complétez-les, adaptez-les, ajoutez-en d'autres et publiez. Cela fera plaisir à vos proches. Utilisez vos articles de blog. Vous n'avez pas de blog? Vous pouvez en créer un, ce n'est pas compliqué; Sophie Boudarel, avec son geneathème mensuel vous donnera des idées et vous verrez, on accepte tout le monde, pas de physio à l'entrée. Si vous ne voulez pas d'un blog, vous avez la chronique familiale sur Geneanet qui est aussi un bon moyen d'expression.

 

2. Cela fait, interrogez-vous. Ai-je assez de matières pour écrire quelques phrases sur chacun?

 

3. Par matière, j'entends bien sûr des informations sans forcément avoir tous les documents de la planète conservés ou détruits où tous vos ancêtres ont été cités, y compris la facture EDF de mars 1934 de l'arrière-grand-tante par alliance Tatie Ursule.

 

4. Si vous n'avez pas d'informations sur une branche, remontez le temps, de mariages en mariages, à toute allure. Puis prenez le temps, en redescendant de noter collatéraux immédiats et cousins germains.

 

5. Favoriser un plan d'ouvrage simple. Branche par branche, du plus vieil ancêtre au plus récent. Dans l'écriture, commencez par les frères et soeurs dont vous ne descendez pas, puis par votre aïeul.

 

6. Illustrez votre livre par des photographies et tableaux représentant vos ancêtres, mais aussi des cartes postales anciennes, des signatures, voire des actes. Transcrivez les actes, mais faites en sorte que votre transcription soit compréhensible par quelqu'un qui n'y connait rien et qui ne passe pas le Concours de Paléographie Français des Parchemins en Patois Normand du XVIe Siècle.

 

7. Evitez le jargon. Sosas, implexes, dispense au 4e degré égal d'affinité et autres termes que nous n'utilisons que pour nos rites initiatiques.

 

8. Soyez clairs et créatifs, faites que l'on ait envie de vous lire.

 

9. Ne dites pas tout. Vos sommes d'informations sont utiles pour vous, pour savoir quoi écrire ensuite. C'est un matériau que vous devez exploiter mais pas restituer pleinement. Gardez cela pour vos fiches généalogiques ou pour un ouvrage "de sources généalogiques".

 

Conseil bonus: L'anecdote, il n'y a que ça de vrai. Vous ne prétendez pas écrire une thèse d'histoire moderne? Alors anecdotez! Parlez de ces histoires amusantes, de ces coïncidences que vous découvrez. L'anecdote fera vivre le récit. Une légende familiale? Parlez-en! Une grand-tante qui rembarra un futur magnat, parlez-en. Mariages arrangés, mariages d'amour, secrets, manigances, captivez votre lecteur tant que vous le pouvez. Evitez simplement de balancer que votre cousin n'est pas le fils de son père alors que ni l'un ni l'autre est au courant: "à mon cher "cousin", amitiés". Ce sera mal vu, j'en suis presque sûr.

 

 

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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 08:51

Aujourd'hui, comme annoncé dans mon billet sur les témoins, je vais vous conter l'histoire des Récipon, une famille d'artistes.

 

Récipon Georges par Robert Charlie 1905Georges Récipon par Robert Charlie en 1905

 

Ma grand-tante, Colette Prat, était élève à la Légion d'Honneur et pendant les vacances elle partait soit chez son oncle Léon Prat soit chez sa tante Valentine Prat-Monchicourt. C'est chez cette dernière qu'elle connut une certaine Madame Récipon. Ma famille n'en sait pas plus. Après une longue enquête, j'ai pu reconstituer la famille Récipon à partir de sources généalogiques, d'ouvrages, d'articles de presse et du fameux parchemin de feue ma cousine Renée Monchicourt (qui établit une ascendance et une descendance assez complètes de ce côté).

 

Valentine Prat a épousé son/mon cousin Henri Monchicourt, antiquaire à Milan. Son père Albert Monchicourt, négociant papetier, avait un frère Félix aussi négociant et père de Valentine Monchicourt qui épousa le 18 mai 1892 à Paris XIe un certain Georges Récipon. Valentine était donc Madame Récipon. Voilà pour le lien de parenté.

 

Valentine Monchicourt est née à Montay, dans le Nord, le 13 juillet 1869 puis s'installa sur Paris et devint artiste peintre, élève de Madame Delaunay et de Paul Edouard Récipon son futur beau-père. Georges Récipon, plus âgé que sa femme puisque né le 17 janvier 1860 à Paris IIIe, fut également l'élève de son père et l'on peut penser que c'est dans les ateliers de Paul Edouard, sculpteur, que les deux jeunes gens se recontrèrent.

 

Monchicourt-Valentine-allegorie-de-l-abondance-par-de-Liph.jpg

L'allégorie de l'abondance par Valentine Monchicourt (cliquez pour agrandir)

 

Avant cela, Georges Récipon avait fait l'école des Beaux-Arts où il fut l'élève de Dumont et Thomas. Il obtint le 1er prix Jouvain d'Allanville en 1882 ainsi qu'un prix en peinture décorative. En 1889, grâce au Retour de l'enfant prodigue il eut en sculpture le second grand-prix de Rome. Il participa au Figaro Illustré, à la Revue Illustrée, à la Revue des Lettres des Arts ou encore au Monde Ilustré. Il a également illustré de nombreux ouvrages notamment pour Conquet, Hachette, Baschet ou Launette. D'après le Dictionnaire national des contemporains (1919) par Curinier: " Arsène Alexandre, dans Le Figaro, Ch. Ponson-Lailly dans le Monde Illustré, et d'autres, nombreux, constatent que Georges Récipon possède à la fois la puissance, la grâce et surtout un beau don de spontanéité et d'exubérance, caractéristique de son très personnel talent."

Georges Récipon est célèbre pour nombre de tableaux et de sculptures. Il serait fastidieux d'en faire étalage ici; c'est pourquoi je renvoie le lecteur intéressé au livre de Curinier. Notons principalement une sculpture restée très célèbre: le quadrige L'Harmonie triomphant de la Discorde.

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/d2/Toit-Grand-Palais.jpg/786px-Toit-Grand-Palais.jpgL'Harmonie triomphant de la Discorde (cliquez pour agrandir)

 

Le couple Récipon fut visiblement assez heureux et Georges sembla apprécier sa belle-mère dont il fit le portrait.

http://img571.imageshack.us/img571/5895/feretzopargrcipon.jpgZoé Féret mère de Valentine Monchicourt, par Georges Récipon (cliquez pour agrandir)

 

En 1893, ils vivaient 149 rue de Rennes dans le VIe arrondissement de Paris et eurent leur première fille Yvonne qui naquit le 26 mai de la même année. Je ne sais rien d'Yvonne, hormis qu'elle décéda à Beauvais dans l'Oise le 27 mars 1974. Les Récipon, qui ne semblaient pas tenir sur place, déménagèrent dès l'année suivante au 38 rue Boileau dans le XVIe. C'est là qu'ils eurent Zoé née le 24 juillet 1894. Il est important de noter qu'à sa naissance fut témoin Charles Lenoir, statuaire comme Georges et qui vivait à la même adresse. Malheureusement, Zoé décéda cinq ans plus tard le 19 mai 1900.

 

http://img829.imageshack.us/img829/9314/rciponyvonneenfantparso.jpgYvonne Récipon peinte par sa mère (cliquez pour agrandir)

 

En 1896 on retrouve les Récipon dans le XVIIe arrondissement, où ils vivaient au 123 rue des Dames; ils y eurent leur troisième fille Marcelle née le 27 septembre. D'elle aussi j'en sais peu. Elle vécut au Mans où elle épousa François Barbier le 22 décembre 1925 et eut pour dernière demeure la Bretagne, plus précisément Nantes où elle décéda le 9 mai 1970. Les Récipon continuèrent leurs déménagements et on les retrouve en 1900 au 39 rue Dulong dans le XVIIe puis en 1901 au 53 rue de Vaugirard dans le VIe. Je vous laisse imaginer le travail qu'il m'a fallu accomplir pour retracer ainsi leur existence entre ces multiples déménagements. En 1901, donc, les Récipon eurent à nouveau une fille, Suzanne, née le 12 novembre. Eugène Duveau et Lucien Gibert, deux mouleurs, certainement dans le domaine de la scuplture furent les témoins de sa naissance. Là aussi, on peut noter qu'ils vivaient également au 53 rue de Vaugirard. On peut donc penser qu'en ce début de XXe siècle et qu'en la fin du XIXe existaient des immeubles où les artistes vivaient déjà entre eux, se fréquentaient voire se liaient d'amitié.

 

http://img201.imageshack.us/img201/1732/yvonneetsuzannerciponpa.jpgYvonne et Suzanne Récipon par leur mère (cliquez pour agrandir)

 

Malheureusement pour nous, nous n'avons pas pu avoir accès aux sources ultérieures sur Paris. Nous savons par Renée Monchicourt, que le couple eut une autre fille Odette, née vers 1905.

 

Quinze ans plus tard, nous retrouvons le couple au 6 avenue de Longchamp dans le XVIe arrondissement. C'est là que le 2 mai 1920 décéda Georges Récipon. Est présente sa fille Valentine, domiciliée à Ecouen dans le Val-d'Oise où elle enseigne le dessin. Georges Récipon, chevalier de la Légion d'Honneur est donc mort à l'âge de soixante ans après une vie bien remplie et cinq filles. La mairie de Paris lui a rendu honneur en donnant une rue à son nom dans le XIXe arrondissement.

 

Valentine Monchicourt lui survécut, mais je ne saurais dire jusque quand. On la retrouve en 1928 dans l'édition du Figaro du 27 juin où on apprend que sa fille Odette alors âgée de 23 ans a dû abandonner ses études pour aider sa mère et est devenue employée de banque. Madame veuve Bell, décédée, lui laissa en legs ainsi qu'à d'autres jeunes filles une dot de 5000 francs au moment de son mariage et de 5000 autres francs un an après. Odette épousa Monsieur Colonne, d'après Renée Monchicourt, qui lui donna six enfants.

Valentine vécut au moins jusque dans les années 30 où elle connut ma grand-tante.

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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 08:34

Durant la révolution française, mes ancêtres eurent fort à faire et furent pris dans la tourmente révolutionnaire. Que ce soient les soeurs Leroux, exécutées, Dominique Daulmery et Jean Baptiste Flory, accusés ou encore Vincent Monchicourt, émigré. Cette fois-ci, je vais vous conter l'histoire de Dominique Picavez, un oncle, prêtre, à qui l'on demanda notamment d'enterrer Louis XVI. Cet article se propose aussi de concentrer les documents d'archives liés à cette personnalité quelque peu oubliée, vous trouverez donc des discours entiers, procès-verbaux et autres.

 

Né le 1er octobre 1757 à Cambrai, dans la paroisse Sainte-Croix, Dominique Joseph Picavez, fils d'un riche marchand de vin et frère de mon ancêtre François Joseph commissaire de police de Lille, devint prêtre. On trouve sa trace pour la première fois en 1790, il était alors Premier Vicaire de la paroisse de Saint-Philippe-du-Roule et électeur de la section du Roule. Le 29 septembre de la même année eut lieu l'élection des juges suppléants à Paris qui vit gagner Jean-Germain Dumesnil face à Pons de Verdun pour le poste susdit de juge suppléant de l'un des tribunaux des six arrondissements de Paris. A cette occasion, cet oncle monta à la tribune et prononça ce discours:

Monsieur le Président, Messieurs, je n'ai point assisté à la séance d'hier et comme je vous dois compte de mon absence, je vous dirai qu'appelé chez M. le maire pour assister à une assemblée convoquée par lui, à l'effet de stipuler les intérêts des pauvres de la capitale et d'aviser aux moyens prompts de subvenir à leurs immenses besoins, j'ai été privé de la satisfaction de remplir concurremment avec vous les fonctions honorables d'électeur. J'ai appris que plusieurs de mes confrères ecclésiastiques, fonctionnaires publics, avaient demandé à l'assemblée de prêter fraternellement leur serment civique comme une preuve non équivoque de leurs sentiments et de leur soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, que vous l'aviez reçu avec des témoignages de satisfaction. J'ai regretté d'être absent dans ce moment, et sans doute si j'eusse été au milieu de vous, je me serais empressé de me mettre sur les rangs pour obtenir la même faveur. Obligé par état d'inspirer aux peuples une soumission entière à toute autorité consentie et de les instruire sur la nécessité de cette soumission, chargé par mes concitoyens, depuis le 13 juillet 1789, de veiller au maintien et à l'exécution des lois et surtout des lois successivement décréitées par l'Assemblée nationale et sanctionnées par le Roi, fidèle à ma mission, ferme dans les grands principes qui ont toujours guidé nos représentants dans leurs opérations importantes, je ne croyais pas être, dans ces circonstances, pour mes concitoyens un sujet d'inquiétude; aussi n'ai-je jamais vu chez eux aucun doute sur mes dispositions actuelles et je puis, Messieurs, j'espère que vous ne me désapprouverez pas, je puis me glorifier, au milieu de vous, des témoignages que j'en ai reçus dans plusieurs occasions. Combien donc dois-je me féliciter d'être admis, au milieu des représentants du Département de Paris, à prêter un serment qui n'est que l'expression des sentiments dont j'ai toujours été animé et qui sont la règle de mes actions. Une autre raison, Messieurs, me fait attacher un grand prix à la faveur que vous m'accordez; c'est qu'en en profitant, je justifie à vos yeux les témoignages particuliers dont m'ont honoré ceux de nos concitoyens, au milieu desquels j'ai le bonheur de vivre. Je jure donc d'être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution, de veiller avec soin aux fidèles qui me sont confiés, de me soumettre à tous les décrets de l'Assemblée nationale et notamment ceux concernant la constitution civile du clergé.

 

Dominique Joseph Picavez, alors âgé de trente-trois ans fut nommé Curé de la paroisse Sainte-Madeleine de la ville-l'Évêque par 480 voix sur 520 au début de l'année 1791. Il fit sa proclamation le 13 février 1791. Ce jour-là, Dominique Picavez, bachelier en théologie de la faculté de Paris, demeurant grande rue du Faubourg-du-roule, prononça son discours d'arrivée:

"Messieurs, dans ce temple auguste où je suis venu plusieurs fois consulter le Père des lumières, j'entends une voix qui m'assigne un poste au milieu de vous. Toujours soumis à Celui qui tient dans ses mains les destinées des hommes, j'accepte avec résignation et reconnaissance. Je ne me fais point illusion sur le fardeau que vous m'imposez et, quoique je ne le voie encore qu'en perspective, j'en sens déjà tout le poids. Je ne me dissimule pas l'étendue et l'importance des devoirs attachés à la place à laquelle vous m'élevez. Depuis nombre d'années ils sont le sujet de mes méditations. J'ai toujours envisagé ce poste avec effroi, et, pénétré du sentiment de ma faiblesse et de l'insuffisance de mes talents, je désirais, si j'ose le dire, je désirais voir s'éloigner le moment où j'y serais appelé; mais les circonstances critiques où se trouve l'Église de France, mon amour pour la religion de mes pères, mon entier dévouement pour ma Patrie dont elle doit faire le bonheur, ma conscience enfin, me rappellent impérieusement le premier serment solennel que j'ai fait de travailler au maintien de la religion et de me sacrifier au bonheur de mes frères; le sentiment de ma faiblesse disparaît et je me sens animé de la plus ferme confiance dans la force de Celui dont le peuple est en ce moment le respectable organe. Je m'interdis ici toute digression sur la Constitution française; mon respect pour la religion, mon amour pour mes frères, mon zèle pour la chose publique, ma soumission à la loi, l'acceptation de la place que vous m'avez assignée: tel est le tribut d'éloges que je lui offre en votre présence. Dans ce code admirable de notre liberté, j'ai toujours remarqué sensiblement le doigt de Dieu; aussi j'adore ses décrets éternels, je m'y soumets et je bénis sa divine Providence. Sans doute, Messieurs, car il n'est plus permis de l'ignorer, sans doute les ennemis de cette Constitution seront aussi les nôtres. Ils traiteront notre soumission à la loi, d'apostasie, notre élection, d'intrusion, notre obéissance, d'ambition, et les sarcasmes, peut-être même les menaces et le mépris seront les grandes preuves de leurs assertions. Mais, Messieurs, rien de tout cela ne sera jamais pour moi l'ombre même d'un obstacle dans l'accomplissement de mes devoirs sacrés; je sais être humilié, je sais être méprisé, je sais souffrir, car je puis tout, dans Celui qui me soutient et me fortifie. Grand Dieu, recevez le sacrifice que je fais au pied de vos autels, de mon repos, de mes forces, de ma santé, de ma vie, en faveur d'un peuple que vous avez toujours aimé et qui sera un monument éternel de votre volonté. Et vous, peuple, qui m'écoutez, sans doute vous m'encouragez par l'exemple de votre piété et de vos vertus et par le spectacle universel de cette union, de cet amour fraternel que rien ne pourra altérer; vous seconderez par votre docilité mon empressement à vous instruire des vérités éternelles et consolantes et mes efforts à nourrir et fortifier dans vos coeurs ces sentiments tendres et généreux qu'inspirent la religion et l'amour de la Patrie."

 

On apprend, grâce à ce discours, que Dominique Picavez fut un curé constitutionnel, c'est-à-dire qu'il prêta serment sur la Constitution de 1789. D'après Étienne Charavay, il était électeur en 1791 et 1792 ainsi qu'administrateur du département de Paris.

 

Alors qu'il était en fonction à la Madeleine, il reçut les corps de nombreux guillotinés devant être inhumés en son cimetière. Cependant, un jour, on lui fit une demande dont il se serait bien passé: l'inhumation de S.M. le Roi Louis XVI. Mais Dominique Joseph, issu d'une famille qui ne semblait guère en accord avec la révolution (ses cousines germaines étaient alors persécutées à Valenciennes, les Daulmery et les Flory étaient aussi à Valenciennes remplissant tant bien que mal des fonctions politiques, Vincent Monchicourt avait fui le pays ainsi que de nombreux cousins comme les Serret); Dominique Picavez, dis-je, refusa d'enterrer le roi et prétexta une maladie. Voici ce qu'en dit le journal Le Gaulois du 21 janvier 1880:

"A peu près au moment où l'on assassinait, hier, Lepelletier Saint-Fargeau au palais Royal, le gouvernement mandait auprès de lui le curé de la Madeleine, l'abbé Picavez, afin de lui notifier ses ordres. M. Picavez, vieux, malade et quelque peu révolté par ce qu'il entendait, ne s'est pas senti la force d'accomplir une si cruelle mission. Il s'en est déchargé sur son premier vicaire, l'abbé François-Sylvain Renard. Celui-ci, très attaché à la personne royale, très ému aux approches de l'exécution, a commencé par refuser nettement son concours aux funérailles. "Eh bien! lui a dit M. Picavez, préparons-nous à monter tous les deux sur l'échafaud, car votre conduite aura d'incalculables suites." L'abbé Renard ne pu résister à cet argument. Il a pris son courage à deux mains et, toute la nuit, il se prépare à remplir son douloureux devoir."

 

Lors de la Restauration, son premier vicaire fut interrogé par le Chancelier du Roi sur les conditions de l'inhumation. Voici donc son témoignage sur cette journée, prononcé le 20 janvier 1815:

"Le 20 janvier 1793, le Pouvoir exécutif manda M. Picavez, Curé de la paroisse de la Magdeleine, pour le charger de l'exécution de ses ordres relativement aux obsèques de S.M. Louis XVI.
M. Picavez ne se sentant pas le courage nécessaire pour remplir une fonction aussi pénible et aussi douloureuse, prétexta une maladie, et m'engagea, comme son Premier Vicaire, à le remplacer et à veiller, sous ma responsabilité, à la stricte exécution des ordres intimés par le Pouvoir exécutif. Ma réponse fut d'abord un refus positif, fondé sur ce que personne n'avait, peut-être aimé Louis XVI plus que moi; mais sur l'observation juste que M. Picavez me fit que ce double refus pourrait avoir des suites fâcheuses et incalculables pour nous deux, j'acceptai.
En conséquence, le lendemain 21, après m'être assuré que les ordres prescrits par le Pouvoir exécutif, et relatifs à la quantité de chaux ordonnée, et à la profondeur de la fosse qui, autant que je puis me le rappeler, devait être de dix à douze pieds, avaient été ponctuellement exécutés, j'attendis à la porte de l'église, accompagné de la Croix et de feu M. l'Abbé Damoreau, que l'on nous remît le corps de Sa Majesté.
Sur la demande que j'en fis, les membres du département et de la commune me répondirent que les ordres qu'ils avaient reçus leur prescrivaient de ne pas perdre de vue un seul instant le corps de Sa Majesté. Nous fûmes donc obligés, M. Damoreau et moi, de les accompagne jusqu'au cimetière, situé rue d'Anjou...
Arrivés au cimetière, je fis faire le plus grand silence. L'on nous présenta le corps de S.M. Elle était vêtue d'un gilet de piqué blanc, d'une culotte de soie grise et les bas pareils... Nous psalmodiâmes les vêpres et récitâmes toutes les prières usitées pour le service des morts; et, je dois dire la vérité, cette même populace qui naguères faisait retentir l'air de ses vociférations, entendit les prières faites pour le repos de l'âme de S.M. avec le silence le plus religieux.
Avant de descendre dans la fosse, le corps de S.M. mis à découvert dans la bière, il fut jeté, au fond de ladite fosse, distante à dix pieds environ du mur, d'après les ordres du Pouvoir exécutif, un lit de chaux vive. Le corps fut ensuite couvert d'un lit de chaux vive, d'un lit de terre, et le tout fortement battu et à plusieurs reprises.
Nous nous retirâmes ensuite en silence après cette trop pénible cérémonie, et il fut, autant que je puis me le rappeler, dressé par M. le Juge-de-paix un procès-verbal qui fut signé des deux Membres du département et de deux de la commune. Je dressai aussi un acte mortuaire en rentrant à l'église, mais sur un simple registre, lequel fut enlevé par les Membres du comité révolutionnaire lors de la clôture de cette église."

 

Autre document important, le procès-verbal de l'inhumation de Louis XVI:

 

"Le vingt-un janvier mil sept cent quatre-vingt-treize, l'an deux de la République française, Nous, soussignés, administrateurs du département de Paris, chargés de pouvoirs par le conseil général du département, en vertu des arrêtés du conseil exécutif provisoire de la République française,
De là, accompagnés des citoyens Renard et Damoureau, tous deux vicaires de la paroisse de Sainte-Madelaine, chargés par le citoyen curé de procéder à l'inhumation de Louis Capet, nous nous sommes rendus au lieu du cimetière de ladite paroisse, situé rue d'Anjou-Saint-Honoré, où étant, nous avons reconnu l'exécution des ordres par nous signifiés la veille au citoyen curé, en vertu de la commission que nous avions reçue du conseil général du département. Nous sommes transportés à neuf heures du matin en la demeure du citoyen Picavez, curé de Sainte-Madelaine, lequel ayant trouvé chez lui, nous lui avons demandé s'il avait pourvu à l'exécution des mesures qui lui avaient été recommandées la veille par le conseil exécutif et par le département pour l'inhumation de Louis Capet. Il nous a répondu qu'il avait exécuté de point en point ce qui lui avait été ordonné par le conseil exécutif et par le département, et que le tout était à l'instant préparé.
Peu après a été déposé, dans ledit cimetière, en notre présence, par un détachement de gendarmerie à pied, le cadavre de Louis Capet, que nous avons reconnu entier, dans tous ses membres, la tête étant séparée du tronc. Nous avons remarqué que les cheveux du derrière de la tête étaient coupés, et que le cadavre était sans cravatte, sans habit et sans souliers. Du reste il était vêtu d'une chemise, d'une veste piquée en forme de gilet, d'une culotte de drap gris et d'une paire de bas de soie gris. Ainsi vêtu, il a été déposé dans une bière, laquelle a été descendue dans la fosse qui a été recouverte à l'instant.
Le tout a été disposé et exécuté d'une manière conforme aux ordres donnés par le conseil exécutif provisoire de la République française.
Et avons signé avec les citoyens Picavez, Renard et Damoureau, curé et vicaires de Sainte-Madelaine.
PICAVEZ, RENARD, DAMOUREAU, LEBLANC et DUBOIS."

 

Malade en janvier 1793, Dominique Picavez survécut au moins jusqu'au mois de juin où une terrible épreuve survint: Le 22/06/1793 (Extrait conforme, A.N., BB3 72, n°89; issu du Répertoire général des sources manuscrits de l'histoire de Paris pendant la révolution française, Tome 9, par Alexandre Tuetey pp.468-469):

"1567. - Arrêté du Conseil général de la Commune, ordonnant le renvoi au Comité de salut public du Département, d'une dénonciation d'un citoyen de la section de la République contre le sieur Picavez, ci-devant prêtre, l'un des principaux auteurs des divisions qui règnent dans cette section et de motions des plus anticiviques."

 

Ainsi le dossier de dénonciation à l'encontre de Dominique Picavez fut-il renvoyé au Comité de Salut Public. Les sources se tarissent alors sur son sort; on sait seulement qu'il abdiqua de son poste en 1793. Maurice Chartier, dans un article de 1957 des Annales Historiques de la Révolution Française (pp.264-265, numéros 146 à 149 [nous n'avons pas trouvé dans quel numéro l'article est paru]) nous annonce qu'il fut ensuite "curé desservant de la succursale de Champignolles".

Il serait intéressant de savoir comme cet ancien électeur de Paris, haut placé, s'est retrouvé en Côte-d'Or. Fut-ce sous la Restauration où il aurait été puni pour avoir été Curé Constitutionnel? Serait-ce une décision du Comité de Salut Public pour le punir des faits reprochés en juin 1793? Là encore, il nous faudrait avoir les résultats des délibérations dudit Comité.

On le retrouve à Champignolles-les-Hospitaliers, bourgade qui contient aujourd'hui 70 habitants (!) où il décède en 1823, le 8 juin à trois heures du matin dans l'une des chambres du presbytère.

 

D Picavez Dominique Joseph 09061823 Champignolles les HospiActe de décès de Dominique Joseph Picavez (cliquez pour agrandir)

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29 octobre 2012 1 29 /10 /octobre /2012 15:46

Par la famille Prat, je cousine avec les Levey du côté de Silvérie Prat qui épousa en 1881 à Lorient un contremaître dessinateur dans la Marine, Charles Louis Levey. De ce côté de la famille, beaucoup de militaires ou d’hommes vivant de l’armée comme ce dessinateur ou le père de Silvérie, Joseph Bertrand Prat qui était maître cordonnier et fabriquait des chaussures pour l’arsenal de Lorient. Avec Charles Levey qui devint peu après maître dessinateur au Ministère de la Marine, elle eut deux enfants, deux garçons : Charles et Paul. C’est l’histoire de ces deux jeunes hommes que je vais tenter de conter.

 

http://img252.imageshack.us/img252/1508/arsenaldelorient.jpg

L'arsenal de Lorient (Cliquez pour agrandir)

 

Paul Joseph Victor Levey.

 

Né le 24 décembre 1884 à Lorient, ville maritime, 101 rue du port, fils d’un employé de la Marine, il ne pouvait qu’être destiné à être en mer. De sa jeunesse, nous ne savons rien mais il s’engagea durant la Première Guerre Mondiale comme maître mécanicien dans la marine et plus spécialement à bord des torpilleurs. En garnison à Cherbourg, il prit position dans le torpilleur 317 de la première flottille.

 

http://img198.imageshack.us/img198/7461/torpilleur440nantesxn4.jpg

Un torpilleur (cliquez pour agrandir)

 

Le 26 décembre 1916 le sous-marin allemand UC1 appareilla de Zeebrugge pour remplir sa 58e mission. Pour l’oberleutnant Steckelberg, c’était la première, ce dernier entrant juste en poste dans l’appareil. Dans la nuit du 27 au 28 décembre 1916 il mina, en mer, les environs de Calais. Sur les douze mines déposées, une toucha le torpilleur 317 causant la mort de l’équipage. On ne retrouva que trois hommes.

Cependant, l’UC1 connut son revers de fortune et disparut en mer aux alentours du 19 juillet 1917 avec l’obertleutnant Midenstein et tout l’équipage, probablement à cause d’un champ de mines déposé par les Alliés.

Ainsi donc décéda Paul Joseph Victor Levey le 28 décembre 1916. Il fut reconnu comme Mort pour la France le 5 avril 1917 par le tribunal de Cherbourg.

 

Charles Emmanuel Eugène Levey

 

http://img221.imageshack.us/img221/219/leveycharles.jpg

Charles Levey, un cousin germain (cliquez pour agrandir)

 

Tout comme son cousin germain et son oncle, Charles Levey embrassa la carrière de militaire. Né le 27 avril 1883 à Lorient, il intégra, en 1904, la prestigieuse école de Saint-Cyr dans la promotion « Le Centenaire d’Austerlitz ». Il en sortit en 1906 et reçut plusieurs distinctions dont la Légion d’Honneur, la Croix de Guerre avec Palme ou encore la Médaille commémorative agrafe « Maroc » d’après le memoriam de Saint-Cyr. Lors de la Première Guerre Mondiale, il prit place au sein du 9e bataillon de chasseurs à pied, 3e compagnie fit partie du Tableau d’Honneur de la Grande Guerre du journal l’Illustration. Il reçut la citation suivante : "S’est particulièrement distingué dans les combats livrés du 4 au 10 août 1914."

Mais, le 22 août 1914 eut lieu une bataille qui fut terrible pour le bataillon : la bataille de Bellefontaine. Au lieu de vous faire un récit des événements, je vous laisse découvrir cette journée à travers un extrait du JMO :

« Le bataillon quitte son cantonnement de Thonne-le-Long à 4h30 et marche derrière le 18e bataillon de Chasseur à pied. En arrivant à la Hage à 10h30, la 6e compagnie est détachée en flanc-garde dans la direction du bois de Tintigny (carte belge 1/100000e), le reste du bataillon est en réserve.
11h15 : Les 5e et 1e compagnies se portent le long de la lisière du bois de Tintigny en échelon prêtes à appuyer le 18e bataillon de chasseurs à pied qui marche dans la direction de la cote 369.
13h : La 4e Compagnie organise la lisière Nord de La Hage, la 3e compagnie reste en réserve près de l'église.
14h : La 4e compagnie relevée à La Hage par des fractions du 147e reçoit l'ordre de se porter à l'appui du 120e qui attaque Bellefontaine ; cette compagnie sera engagée jusqu'à la nuit avec des alternatives diverses à Bellefontaine.

Les 5e et 1ère compagnies puis la 2e rejoignent le 18e bataillon de chasseurs et attaquent avec lui dans la direction de la cote 369, la 6e compagnie s'engage dans le bois de Tintigny avec des fractions d'infanterie ennemies.

14h30 : La 3e compagnie reçoit l'ordre de se porter par la lisière ouest du bois de Tintigny pour renforcer la ligne de feu, elle est appuyée par la section de mitrailleuses.
15h Tout le bataillon est engagé dans un très violent combat qui dure jusqu'à la nuit ; la 2e compagnie est obligée de charger à la baïonnette sur le plateau à l'est de la cote 369, les charges se renouvellent à plusieurs reprises malgré le feu violent de l'infanterie, de l'artillerie et des mitrailleuses ennemies.

16h : La 3e compagnie attaque à la baïonnette à travers bois des fractions ennemis qui tiennent la corne N.O du bois de Tintigy et parvient à les en déloger, mais le capitaine, les 2 lieutenants et l'adjudant de cette compagnie sont tous tués ou blessés ; malgré cela le bataillon se maintient sur les positions conquises quoique l'ennemi fasse de nombreux retours offensifs.

18h30 : Plusieurs compagnies du 147e viennent renforcer notre ligne.

19h : L'ennemi se retire. Le chef de bataillon rallie son bataillon la nuit tombante, à la lisière S.O au bois Tintigny où il s'installe au bivouac. »

 

Ce jour-là mourut Charles Levey, lieutenant, ainsi que son sous-lieutenant, Rolland. Son capitaine, Weulf, gravement blessé en décéda le 26. Tous les officiers du 9e bataillon sont donc morts lors de cette bataille. Notre cousin, Charles Levey, reçut la citation suivante : « Officier merveilleux de courage, de sang-froid et d’endurance, a fait preuve d’une valeur exceptionnelle. S’est fait tuer bravement à la tête de ses hommes le 22 août 1914. » Il fut reconnu officiellement comme Mort pour la France par acte du 11 novembre 1914 à Lorient.

Ce décès héroïque me rappelle un poème écrit par mon arrière-arrière-grand-père que je vous livre ici :

« Dans nos rêves nombreux, ô manoir solitaire,

Je ne puis contempler ton faîte centenaire,

Ni jeter un regard au sol que nous foulons,

Sans joindre quelques pleurs à mes songes arides,

En pensant qu’autrefois des Colombes timides

Ont vécu dans cette aire où vivent des aiglons.

 

Ah ! que va devenir l’antique sanctuaire

Où St Cyr renfermait un essaim solitaire

De vierges qui n’ont pu le quitter sans soupir ?

Ce qu’il va devenir ?... Un temple de la guerre

Un gymnase de Sparte, ardente pépinière

Où viennent des enfants pour apprendre à mourir. »

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28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 12:06

 

Vous vous souvenez peut-être de ces ancêtres bretons qui me détestaient (et leur sentiment ne s’est guère amélioré), mais ils se sont alliés à ceux du Nord. Aujourd’hui, un casse-tête généalogique s’est posé et le plus compliqué n’a pas été de trouver l’acte manquant, mais bien de comprendre les liens de parenté. Vous ne me croyez pas ? Vous allez voir en plongeant avec moi dans la révolution française chez les ch’tis.

 

En 1889-90, Henri Wallon a publié le tome 5 de son ouvrage « Les représentants du peuple en mission et la justice révolutionnaire dans les départements en l’an II ». Il y est évoqué un procès qui eut lieu en l’an III. Mais commençons par le commencement.

 

Robespierre est mort et la Terreur s’achève. Un soulagement pour beaucoup, certes, mais les procès continuent. A Douai, dans le Nord, la deuxième section du tribunal de la ville avait pour objectif de juger les émigrés mais aussi les « citoyens » accusés d’avoir administré les villes et villages occupés par l’armée étrangère, principalement celle d’Autriche. Cet acte constituait alors un crime puni de mort.

 

Mais nous l’avons dit Robespierre était décédé et le tribunal était devenu plus clément, même si cela n’a pas empêché, en juillet 1795, la torture et l’exécution de cinq Ursulines. Mais ceux accusés du crime de « traitrise envers la patrie » pour administration de villes occupées étaient le plus souvent relaxés, le tribunal comprenant le « cas de force majeure ». Cependant, un procès fit grand bruit : celui des notables de Valenciennes.

 

Pas moins de trente notables, qu’ils fussent magistrats ou employés du privé, furent accusés de traitrise. Parmi eux se trouvaient mon ancêtre Dominique Joseph Daulmery et un de mes « oncles » Pierre Joseph Melchior Flory.

Le 16 fructidor de l’an II ils furent entassés sur des chariots, comme n’importe quel criminel, et envoyés à Douai (à près de quarante kilomètres de distance !) où ils furent enfermés dans la maison des Annonciades, congrégation religieuse présente dans la ville depuis 1612.

 

Flory-Pierre-Joseph-Melchior--5-.JPG

Pierre Joseph Melchior "l'aîné" Flory

 

Quelques jours après leur enferment ils rédigèrent , le  23 fructidor an II, une pétition adressée aux « représentants du peuple » dans laquelle ils expliquèrent leur rôle dans la défense courageuse de Valenciennes lors de l’invasion, défense qui succomba car les renforts de la république française ne s’étaient pas montrés. Ils racontèrent aussi que c’était sous la contrainte qu’ils durent continuer de gérer la ville. Enfin, ils écrivirent : « Nous ne demandons point grâce, nous ne demandons que justice ; qu’elle soit prompte et nos vœux seront comblés ».

 

Au mois de brumaire de l’an III, les détenus rédigèrent tout un mémoire sur l’histoire de leur administration dans lequel ils s’écriaient : « Criminels pour avoir consulté les intérêts de nos frères ! Robespierre l’eût pensé. On ne punit plus aujourd’hui que l’intention. » Ils profitèrent de cette occasion pour défendre d’autres fonctionnaires de Valenciennes, accusés dans d’autres procès ; « comme nous ils ont fait le bien ».

 

Daulmery-Dominique-Joseph--3-.JPG

Dominique Joseph Daulmery, avant l'ajout du "Rhoné"

 

Ainsi arriva le procès et le 27 frimaire de l’an III ils comparurent devant le tribunal, certains d’être acquittés – ou presque, et le plaidoyer d’un certain Thellier de Poncheville aurait achevé de prouver leur innocence. Ils furent reconnus comme ayant accepté les fonctions publiques sous l’occupation autrichienne mais le jury déclara que les accusés « n’étaient pas convaincus d’avoir eu l’intention d’enfreindre les lois de la République et d’êtres traitres à la patrie ».

Voici comment mon ancêtre, mon oncle et une trentaine de coaccusés furent innocentés.

 

Mais plusieurs choses ont attiré mon œil de généalogiste. Ainsi, Dominique Joseph Daulmery, négociant et maître orfèvre, et Pierre Joseph Melchior Flory, directeur des moulins de Valenciennes, étaient accusés ensemble alors qu’il n’y avait pas encore de lien de parenté. Le sieur Flory ne s’est ni marié ni n’a eu d’enfant mais sa sœur Antoinette est la mère d’Adélaïde Monchicourt qui elle, a épouse Auguste Patte fils de Victoire Daulmery elle-même fille dudit Dominique Joseph Daulmery.

En somme le petit-fils de Dominique Daulmery a épousé la nièce de Pierre Flory.

 

Antoinette.jpg

Antoinette Barbe Flory, sœur de l’accusé

 

Mais ce n’est pas tout !

 

Pierre Flory avait une autre sœur, Cécile, qui est la mère de Cornélie Picavet elle-même l’heureuse mère d’Élise Yernaut qui a épousé Auguste Patte fils d’Auguste et d’Adélaïde Monchicourt.

En somme l'arrière petit-fils de Dominique Daulmery a épousé la petite-nièce de Pierre Joseph Melchior Flory. Et le marié est aussi le petit-neveu de Pierre Joseph Melchior Flory.

Vous suivez toujours ?

 

Mais ce n’est pas tout ! C’est là que ça se complique.

 

Lors du mémoire durant le procès, Pierre Flory signe de son classique « Flory l’aîné », mais Dominique Joseph Daulmery signe étrangement « D. Dominique-Rhoné ». Au départ, j’avais même douté que mon Dominique Daulmery fût cette personne. Mais vous en connaissez beaucoup, vous, des Dominique Daulmery vivant à Valenciennes sous la révolution ? Je me suis donc empressé de chercher l’acte de décès de Dominique dans les archives de Valenciennes et il est noté veuf en secondes noces de Marie Clotilde Rhoné.

Et alors ?

Et alors, ce nom de famille ne m’est pas inconnu, il s’agit d’une branche cousine sur Valenciennes. En trouvant l’acte de décès de la Marie Clotilde le 30 thermidor de l’an XII, j’apprends qu’elle est fille de Nicolas Joseph et de Marie Josèphe Delconaix. Le neveu de Marie Clotilde, Evrard Rhoné a épousé Sophie Mathieu de Quenvignies petite-fille de Marie Joseph Serret dont le grand-oncle Jean-Baptiste Serret est le grand-père d’Emmanuel Patte, l’époux de Victoire Daulmery (la fille de Dominique). Là, on peut comprendre cette étrange attraction entre ma main droite et le tube d’Aspirine juste à côté... Ce qui est étrange aussi dans cette histoire est la différence de deux générations du côté Serret que vous pouvez voir dans l’arbre manuscrit ci-dessous.

En fait, l’explication est relativement simple : Georges Serret a neuf ans de plus que son jeune frère Jean Baptiste et l’écart grandit ensuite : le fils de Georges Serret a vingt ans de plus que la fille de Jean Baptiste et  la petite-fille dudit Georges a trente-cinq ans de plus que le petit-fils de Jean Baptiste.

 

http://img337.imageshack.us/img337/6281/arbrervolution.jpgL'arbre manuscrit avec les liens familiaux entre les deux accusés (en rouge). Cliquez pour agrandir.

 

Pour conclure sur l'aspect généalogique, il est bon de noter ici que les liens de parentés entre les familles du Nord ont toujours été importants notamment les alliances entre personnes d'un même milieu social. Cette affirmation est vraie dans toute la France mais c'est bien la première fois que je vois d'aussi forts liens matrimoniaux dans un même département, et avec autant d'enfants par couple qui survivent. Pour l'exemple, dans le précédent billet de ce blog, je vous ai parlé d'une de mes cousines, ancienne généalogiste. Elle descendait de trois des soeurs Flory par quatre branches, ses parents étaient cousins, deux de ses grands-parents étaient cousins et deux de ses arrière-grands-parents l'étaient aussi, tous du côté Flory. J'en profite pour saluer sa petite-fille, Astrid, qui a eu le courage de reprendre la généalogie faite par feue sa grand-mère et qui, tout comme moi, a bien besoin de cachets pour les nerfs afin d'arriver à mettre l'arbre généalogique familial en forme.

 

Ah... Sacrés ancêtres !... et cousins !... et oncles !... et etc.

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 12:32

 Il est de ces familles et de ces époques où le sort s'acharne sur plusieurs générations. Ce fut le cas de la famille Morlot dont je suis issu par mon arrière-grand-mère Suzanne Claude LOMBARD née MORLOT. Mais il est d'abord important de présenter les protagonistes pour mieux en comprendre l'histoire.

 

La famille Morlot est originaire de Thonnance-lès-Joinville, petit village de Haute-Marne où l'essentiel de l'activité se trouvait dans la culture de la vigne. Mes ancêtres s'étaient un peu enrichis, devenus propriétaires et entrepreneurs et avec l'exode rural, ils quittèrent cette bourgade pour rejoindre la grande ville, Marseille, vers 1845.

 

Catherine BARBIER, veuve de Nicolas MORLOT partit avec ses deux fils Philippe Louis et Claude Frumence. Ce dernier, mon ancêtre, devint propriétaire et teneur de livres, c'est-à-dire qu'il était commis chez un négociant et s'occupait des registres de ventes et d'achats. Les deux frères épousèrent deux soeurs de la famille Gaudin, originaire du sud depuis au moins sept générations.

 

Claude Frumence eut deux fils, dont les naissances sont espacées de dix ans. A ce jour, je ne connais personne d'autre de la fratie et aucune mention n'en a jamais été faite dans la famille et par les généalogistes familiaux. Mon arrière x2 grand-père, Raoul Louis fut l'aîné et Frumence Léon fut le cadet né en 1866 contre 1856 pour le premier.

 

Devenu négociant, Raoul Louis épousa en 1884, à l'âge de 28 ans, Anna Elisa Félicie MAÏSSA, de neuf ans sa cadette fille d'un représentant de commerce. Le couple MORLOT/MAÏSSA eut d'abord Suzanne Claude née en 1885 puis Auguste Jules né en 1887.

 

Et c'est à cette époque que de nombreuses vies ont basculé.

 

       raoulMorlotAnna-Maissa-copie.jpg

Raoul Louis MORLOT et sa femme Anna Elisa Félicie MAÏSSA

 

Le 8 juillet 1888 à 13h, Raoul Louis MORLOT décède. On ne connait pas les causes du décès; la légende familiale parle de la grippe espagnole, mais celle-ci s'étant produite en 1918, j'ai bien du mal à y croire...

EDIT: Suite au commentaire de Merline, j'ai appronfondi le sujet; il y eut de nombreuses épidémies à Marseille et notamment le choléra de 1881 à 1896.

 

Il laisse donc ses deux enfants, dont Auguste qui n'a même pas deux ans à sa femme, Anna, devenue veuve à 23 ans, et aux parents MORLOT.

 

Mais le 17 janvier 1890 à 20h, c'est au tour d'Anna MAÏSSA d'expirer, à l'âge de 24 ans. C'est ainsi que Suzanne, 4 ans 1/2 et Auguste 2 1/2 deviennent orphelins de père et de mère.

 

Entre la mort des deux parents, Claude Frumence MORLOT modifia son testament. Je n'en connais pas la raison; une dispute avec sa belle-fille? Quoiqu'il en soit, d'après feu mon cousin Robert "Bob" MORLOT, il fut conseillé par son fils cadet Frumence Léon. Ce testament fut donc écrit le 25/07/1889 et dont voici la retranscription, n'ayant pas de scanner actuellement pour vous en mettre une reproduction:

 

Ceci est mon testament

 

Je donne & lègue à Frumence

Léon Morlot mon fils le tiers par

préciput et hors part de tous les

biens qui composeront ma succession

y compris les sommes que j'ai données

à mon fils Raoul Morlot et que

ses héritiers seront tenus de rapporter

à ma succession.

 

Marseille, le vingt cinq juillet

mil huit cent quatre vingt neuf

 

[signé] Morlot

 

Un an, presque jour pour jour après le décès de son fils, Claude Frumence MORLOT déshérite totalement ses petits-enfants et exige même d'eux qu'ils remboursent l'argent que leur grand-père a pu donner à leur père.

 

Orphelins très jeunes, il leur fallait un tuteur. Claude Frumence, leur grand-père, et Julie GAUDIN, leur grand-mère, étaient totalement indifférents au sort des enfants. Ils n'en voulaient pas. Ce fut donc l'oncle Frumence Léon à qui l'on donna la garde. Mais il est à se demander si c'était la meilleure chose à faire. Il fut particulièrement méchant avec ses neveux, mais on ne sait pas jusqu'où c'est allé.

 

Il s'est débarassé des enfants en les envoyant en pension et, ce qui fut encore plus dramatique pour eux, ils furent séparés. Ils ne pouvaient se voir que rarement mais avaient l'un pour l'autre une affection sans bornes.

 

Voici le début d'un poème qu'Auguste, alors âgé de 18 ans, écrivit à sa soeur le 16 avril 1905:

 

Le frère à la soeur

 

L'oiseau, dans la nature, a un père, une mère;

Le lion, le vautour, le chacal, la panthère

Ont aussi des parents qui cherchent leur pâture

Quand, étant encore trop petits, la nature

Leur refuse les armes dont ils auraient besoin.

Tandis que dans leur nid leur mère les allaite

Nous, orphelins contrairement aux bêtes

N'avons pas de parents qui de nous s'intéressent

N'ayant rien sur la terre, tous les autres nous laissent.

Pourtant, un grand amour nous unit tous les deux

Et, le frère à la soeur, envoie toujours des voeux

De joie, de bonheur et de prospérité

Qui de la soeur au frère sont toujours rejetés.

Sans cet amour si ferme et si bien mérité

Que l'un à lautre nous nous sommes portés

Je ne sais pas si seuls, malheureux et perdus sur la terre

Nous pourrions vivre encore en n'ayant pas de père.

 

Suzanne MORLOT a joué pendant longtemps le rôle de mère, elle était la seule attache d'Auguste, l'inverse étant également vrai.

 

Suzanne-Morlot.jpg

Suzanne MORLOT

 

Puis ils ont grandi, se sont mariés, Suzanne avec Charles LOMBARD, un officier mécanicien et Auguste avec Elise SABATIER. Moins d'une semaine après le mariage d'Auguste, la première guerre mondiale éclata et il dut partir au front.

 

Il eut une fille qui naquit le 08/07/1915 et qu'il nomma naturellement Suzanne, comme sa soeur. Il écrivit de nombreuses lettres depuis le front, s'"inquiétant du sort de sa femme, de sa fille mais également de la famille de sa soeur, mariée depuis 1909 et déjà mère de trois enfants. Il voulait un fils également, comme le montre cette lettre datée du 27/07/1916 qu'il envoya à sa femme: "Embrasse bien mon petit André [ndlr: le fils aîné de sa soeur Suzanne], aide Suzanne à lui donner une éducation. Que Charles n'ait plus qu'à continuer, ce gros veinard qui a un fils".

 

En 1917, Elise SABATIER tombe à nouveau enceinte. Un garçon peut-être? Auguste MORLOT, toujours sur le front était chargé avec le 173e Régiment d'Infanterie d'aller enlever aux ennemis l'observatoire de la côte du Talou à Verdun qui permettait aux allemands d'avoir des vues sur les arrières de l'armée française. Avec les autres combattants français, sous une pluie d'obus, ils reprirent la côte. Et toujours sous les obus, il assura sa mission d'observation. Il fut tué là, le 20 août 1917.

 

Auguste Morlot 2

Auguste MORLOT (cliquez dessus pour l'agrandir)

 

Lui qui voulait un fils, il en eut un. Robert "Bob" MORLOT naquit onze jours après la mort de son père, le 31 août 1917. Bob fut généalogiste faisant revivre son père et ses aïeuls qu'il ne pût jamais connaitre.

 

Toutes les bonnes choses ont une fin, dit-on. Heureusement, les mauvaises choses aussi. La vie ne fut pas facile pour Elise MORLOT née SABATIER, veuve à 24 ans avec deux enfants. Elle les éleva, seule, ne se remaria jamais et fut d'un courage exemplaire. Mais Elise pouvait compter sur Suzanne et son mari Charles. Les enfants d'Auguste grandirent avec leurs cousins LOMBARD, leurs six cousins.

 

Cette fois-ci, la famille était là pour aider des orphelins.

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